Ce dont il faut se rappeler c’est que les premiers projets du réseau ont tous démarré par rapport au Sol et des leçons tirées de son échec.
Voir à ce sujet le texte de Marie Baudin qui a été envoyé avant la rencontre de Bidart dont l’un des objectifs étaient de voir les liens qui pouvaient exister entre les MLCC et le Sol et qui s’était conclu sur une demande : nous le réseau MLCC nous allons faire notre travail de réflexion sur la roue des valeurs, au réseau Sol de faire de même et de reprendre ensuite les discussions.
Grosso modo quel était le diagnostic de l’échec du réseau Sol :
- Peu d’utilisateurs
- Complication informatique
- Centralisation à partir d’une organisation nationale
- Professionnalisation des permanents
- Mise à disposition d’outils de facilitation technique qui étaient en réalité des usines à gaz
Or aujourd’hui, la lecture du CR « officiel » de la 17ème rencontre semble reprendre point par point les chemins de cet échec (1)Les 4 derniers points s’auto-entretiennent et les solutions de certains points sont en réalité les sources des problèmes des autres..
En soi, ce n’est pas un problème mais posons la question directement : pourquoi vouloir entraîner dans cette voie le réseau des MLCC qui s’est précisément construit à partir des leçons tirées de cet échec ?
Pourquoi vouloir tirer le réseau MLCC vers le réseau Sol, pour en faire une sorte de copié-collé, au lieu de valider tout simplement l’existence de 2 réseaux qui pourront en toute intelligence explorer toutes leurs complémentarités, dans le respect de leurs spécificités ? Voilà le véritable esprit d’une biodiversité des monnaies locales !
Reste en réalité le premier point – celui de la difficulté à trouver des utilisateurs – dont le déni par les organisateurs de la 17ème rencontre leur fournit paradoxalement la justification de leur démarche.
Car c’est ainsi que commence le CR : « Le Réseau national des monnaies locales complémentaires et citoyennes (MLCC) étant face à un accroissement important de sa dynamique, sa gouvernance autogérée, a-centrée et sans portage (ni personnalité) juridique doit s’ajuster pour répondre à ce changement d’échelle sans perdre ses fondamentaux tout en y épanouissant ses valeurs ».
Ah bon, de quel « accroissement important de sa dynamique » est-il vraiment question, accroissement qui justifierait un tel « ajustement » ?
Car la première plénière du samedi matin était consacré à un « panorama des MLCC en France » présenté par Marie Fare (2)https://ncloud.zaclys.com/index.php/s/3EAJSLQHbTgHAwo ; alors allons directement à sa conclusion :
Cette conclusion est effarante et prouve tout sauf la moindre dynamique justifiant de dynamiter l’organisation historique du réseau : c’est juste une liste de difficultés et de faiblesses.
Le point le plus important est la difficulté à « maintenir l’intérêt des usagers ».
Là aussi pour trouver des chiffres, il suffit par exemple d’aller voir la fiche de poste du réseau Sol :
- 9 000 entreprises et associations partenaires
- 40 000 usagers soutenant une économie responsable
- Plus de 5 millions d’euros en circulation sous forme de monnaie locale.
Sachons lire (sans oublier que tous ces chiffres sont déséquilibrés par l’existence d’1 seul très gros projet de MLC en France ← ils le répètent assez pour qu’on ne leur refuse pas cette satisfaction) :
- 4 utilisateurs pour 1 prestataire
- 5 millions d’Euros pour 40 000 usagers, cela fait… : 10,42 € en moyenne de conversion mensuelle par utilisateur. C’est évidemment un calcul un peu « au doigt mouillé » et il faudrait doublement le moduler. D’une part, les données en moyenne sont totalement déséquilibrées par le poids réel d’une seule monnaie (l’Eusko). D’autre part, il faudrait multiplier ce montant mensuel de conversion par la vitesse mensuelle de circulation d’un coupon. Si on prend un chiffre à coup sûr surévalué de 4, cela ne donne qu’au plus 50€ par mois de dépense par MLCC. Montant que l’on peut mettre en regard du budget annuel moyen d’un ménage.
- Quant à « l’intérêt des usagers » qui ne se maintient pas : il n’est pas absurde de faire l’hypothèse qu’il se joue par rapport à la complémentarité avec l’Euro. Car « complémentarité » ne doit pas signifier « ressemblance » : or, plus une MLCC va ressembler à de l’Euro (et pourquoi ne pas cauchemarder en imaginant une carte MLCC sans contact), moins l’intérêt pour une MLCC va se maintenir. Et c’est ainsi qu’à la longue, mis à part les utilisateurs les plus « militants, il y a décroissance de l’intérêt : qui peut être camouflé un certain temps par un turn-over important, alimenté par la médiatisation pour les MLCC, mais dans ce cas, il n’y a que « consommation » des MLCC.
Ce sont les « faiblesses » relevées par Marie Fare qui devraient concentrer les futurs travaux du réseau des MLCC. C’était peu ou prou les faiblesses du Sol première version : pourquoi répéter les mêmes erreurs ?
Il se peut que ce diagnostic soit réfuté par l’avenir mais aujourd’hui nul ne peut trancher : alors il faut conserver les deux fers au feu, le fer du réseau des MLCC et celui du Sol. Sans confusion.
Michel Lepesant
Notes et Références
↑1 | Les 4 derniers points s’auto-entretiennent et les solutions de certains points sont en réalité les sources des problèmes des autres. |
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↑2 | https://ncloud.zaclys.com/index.php/s/3EAJSLQHbTgHAwo |
Je ne peux pas être d’accord avec ta définition de la gouvernance : la démocratie est au coeur de notre charte des valeurs et nous voyons bien que les monnaies locales sont un creuset d’expérimentation de la démocratie réelle, qui ne peut être en aucun cas la soumission à des prescripteurs qui seraient garants de la vérité. Mais je laisse juge les lecteurs.
En ce qui concerne les chiffres de circulation de la monnaie, il n’y a pas de doigt mouillé : on peut très bien savoir au jour le jour combien de ML ont été converties, combien ont été reconverties, et la différence c’est bien la monnaie en circulation. Personne ne peut savoir combien de temps les 125 ML restent dans le portefeuille avant d’être utilisées, mais quel intérêt présente le fait de ne pas s’en servir ?
Ce n’est pas vraiment « ma » définition de la gouvernance (si chacun y va de « sa » définition », on tombe vite sous prétexte de tolérance dans l’impossibilité de commun-iquer). En plus du renvoi à une expérience précise et rappelée, je ne crois pas être le seul à dénoncer l’hypocrisie démocratique de la fameuse « gouvernance » ; et il me semble que les valeurs qui devraient nous réunir pourraient facilement justifier une critique de ladite « gouvernance » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernance#Critique)
Oh Michel !
Prétends-tu que si ta monnaie « la Mesure » a dû fermer la porte, c’est qu’elle ressemblait trop à l’euro ? Etonnant…
Et un petit détail parmi d’autres : « monnaie en circulation »= « somme à l’instant T du contenu des portefeuilles en ML des adhérents ». Ce n’est pas une mesure de la circulation mensuelle, difficile à évaluer, surtout pour les billets. Donc moyenne de ce portefeuille : 125, pas 10, 4….
Oui, c’est exactement cela : nous avons subi à la Mesure exactement la même offensive que celle que subit depuis des années le réseau des MLCC : sous prétexte de « gouvernance » (on a même eu droit à un audit par un coach !), il y avait en réalité le projet de vider la Mesure de tout ce qui en faisait une MLCC : facilitation technique, professionnalisation, communication décomplexée, rapprochement avec les institutionnels bref éviction de toute la dimension politique qui avait animé ses fondateurs et au final une monnaie locale qui aurait perdu toute différence avec l’Euro. Le problème de ce type d’offensive c’est sa toxicité, son venin : à cause de son apparence de « facilité » et de « commodité » en face d’une pratique qui demande une mise en perspective politique qui est toujours vécue comme une « prise de tête » inutile.
Ce prétexte de la « gouvernance » est souvent le cheval de Troie pour affaiblir le potentiel réellement critique d’une expérimentation minoritaire. La gouvernance c’est in fine la dissolution du politique sous le diktat de l’efficacité, de la facilité et surtout cela finit toujours par la soumission aux chiffres.
Sans la mesure de la vitesse de circulation mensuelle, le passage du montant des monnaies en circulation à l’instant t au montant ayant réellement circulé se fait au doigt mouillé. En général, il est estimé autour de 4, pas de 10.