Il y a 2 façons d’envisager cette pratique.
- celle de ceux qui disent, et avant même d’avoir essayé : c’est compliqué, cela suppose des manipulations manuelles, ou mieux encore : on va faire fuir les adhérents…, ou encore : cela pousse à la consommation !
- et celle de ceux qui en ont fait une règle dès le départ et pour lesquels cela ne pose pas de problème, chaque adhérent ayant accepté la règle en s’inscrivant.
Toute chose naturelle perdant de sa valeur dans la durée, seule la monnaie en serait exemptée ? Dans le cadre des MLCC, la pratique de monnaie fondante perdant temporairement de sa valeur au bout d’une certaine durée est une incitation à faire circuler la monnaie.
Non seulement il n’y a aucun intérêt à conserver par devers soi une monnaie fondante qui perd temporairement de sa valeur, mais qui peut avoir intérêt à la conserver alors qu’on ne peut l’obtenir qu’avec la monnaie officielle dont on dispose, les monnaies locales complémentaires étant adossées à l’Euro ?
Inciter à la circulation rapide de la monnaie n’est en rien une incitation à la consommation ; au contraire, une monnaie fondante, que l’on acquiert avec les Euro dont on dispose, nécessite de l’utilisateur une bonne gestion en calculant ses besoins avant d’échanger ses Euro.
L’Abeille en France, telle que le Chiemgauer, monnaie locale de Bavière qui lui a servi de modèle, s’est basée sur le concept de Sylvio Gesell, inventeur de la monnaie franche (1)L’ordre économique naturel – Sylvio Gesell Ed. Issautier (1948).
Il y a plusieurs façons de mettre en œuvre une monnaie fondante :
La Fonte à dates fixes, celle de la MLCC Abeille par exemple, pour laquelle la perte temporaire de valeur est fixée à 2% par semestre, aux dates des 1er avril et 1er Octobre.
Sa mise à jour se fait par tampon encreur. Cela signifie que chaque utilisateur au dos de ses coupons non utilisés, doit faire tamponner la case correspondante après la date indiquée, dans un comptoir d’échanges en échange de 2 centimes par unité. Cette fonte conservée dans une boite sera remise à l’association lors du passage de l’animateur.
Dans le cas d’un paiement chez un prestataire, non comptoir d’échanges, il faut ajouter les 2% à la valeur faciale pour effectuer le règlement, car ce n’est pas au prestataire à assumer le dépassement de délai de fonte.
La Fonte glissante, celle de la MLCC Sol-Violette, par exemple,pour laquelle la perte temporaire de valeur est de 2% tous les 3 mois.
De même que pour l’Abeille, des cases sont prévues au dos de chaque coupon, et lorsque l’utilisateur reçoit ses Sol, la première case est datée pour trois mois. Dès que le billet change de main, le bénéficiaire remplit une nouvelle case pour trois mois.
Ainsi, en classant ses coupons par ordre de fonte, l’utilisateur n’a jamais à la payer.
La Fonte numérique, celle de La Ruche des Monnaies locales par exemple, pour laquelle la perte temporaire de valeur est variable selon chaque monnaie.
Une fois programmée, la fonte est débitée automatiquement à période fixe sur le montant d’unités restantes de chaque compte d’utilisateur. Personne n’a rien à faire.
Dans le cas de l’Abeille, la fonte est de 0.25% par mois. Dans le cas du Sol Violette, la fonte est de 2% chaque 3 mois.
Chaque monnaie a toujours été laissée libre de fixer son taux de fonte, ou de reconversion. Par contre quelle différence entre une monnaie locale sans fonte ou reconversion et un réseau de professionnels acceptant des bons d’achat en Euro.
Si en plus il n’est demandé aucun critère de recherche de qualité aux prestataires, et qu’il n’y a aucune obligation de faire circuler la monnaie, ni de rechercher des fournisseurs, qu’est-ce que cela apporte de plus que de payer en Euro ? Cela revient, comme le disent certains, à jouer au Monopoly.
Par expérience, il est clair que le produit de la fonte n’est pas un apport financier pour le gestionnaire de la monnaie. Par contre dans le cas de l’Abeille, partie de la fonte annuelle est mis sur un compte de réserves pour aider les prestataires en difficulté passagère.
En réalité son intérêt est beaucoup plus profond, il s’agit là d’un support pédagogique qui pose tout de suite la question de ce qu’est ou peut être l’utilisation de l’argent pour un adhérent. Elle permet de poser tout de suite le sens réel d’une monnaie locale, qui n’est pas qu’économique. Par comparaison avec l’euro, les contraintes d’une MLCC® ont un rôle d’éducation populaire tout aussi important.
Il est toujours préférable d’essaimer de la qualité, d’autant plus quand on constate le peu de retour du public vis-à-vis de la quasi-totalité des monnaies locales. Ce n’est pas la facilité qui peut permettre de mieux se développer.
Philippe Lenoble, MLCC L’Abeille
Notes et Références
↑1 | L’ordre économique naturel – Sylvio Gesell Ed. Issautier (1948 |
---|