Conférence de Jean-Michel Servet, le samedi 18 mai 2013 à 20h30.

Un grand merci à Hélène Cassagnes pour la prise de ces notes qui permettent de nous rendre compte de l’intervention de J-M Servet : « ils n’engagent que ma compréhension personnelle, j’espère ne pas avoir déformé la pensée du conférencier. »

 

J.M. Servet explique qu’il faut penser les sociétés anciennes comme évoluées car l’idée d’ un stade antémonétaire d’une humanité primitive est une fable qui a été inventée au XVIIIème à l’époque d’Adam Smith, fondateur du courant libéral. Cette fable du troc présuppose une conception de l’homme comme naturellement et spontanément enclin à réaliser des profits matériels via des échanges marchands.

J.M. Servet nous alerte donc sur la nécessité de nous émanciper des thèses évolutionnistes. A l’appui de ses critiques il cite Polanyi

De même la pensée d’Aristote au sujet de la «metadosis» qui signifie « avant les pièces de monnaies il y avait le partage » a été déformée . Il convient de revenir à la réalité de l’histoire humaine . .

En effet , de même qu’il n’y a jamais eu de «langues primitives» ni d’êtres humains ayant eu des «rêves primitifs» la pluralité des instruments monétaires a toujours été la normalité des sociétés humaines . Il existe de nombreux exemples de cela dans l’histoire : la revendication des MLC est donc légale, légitime et elle témoigne d’un retour à la normalité.

J.M. Servet nous explique aussi que la monnaie n’est pas une contrepartie. Il faut sortir de nos représentations issues de la logique de marché pour retrouver la véritable nature de la monnaie dans l’histoire et la diversité des sociétés . Elle est ce qui nous rattache aux autres. Par l’usage de la monnaie on actualise, on affirme, on valide, on perpétue une relation.

A l’appui de cette idée J.M. Servet nous explique qu’en matière de monnaie la notion d’attachement se retrouve à travers toutes les cultures et à travers toute la planète. Ainsi la corde est une figure universelle dans les représentations de la monnaie.

Dans notre vocabulaire actuel on retrouve l’évolution de cette notion de lien dans des mots tels que «obligation» car ligue signifie corde. Dans le mot intérêt , l’accent circonflexe s’écrivait autrefois «es». Ainsi avons nous oublié cette notion de relation : Inter-est, ce qui est entre.

D’anciens instruments monétaires ont la forme d’une hache mais cette hache a la particularité de ne pas pouvoir couper. Lorsque l’on offre aujourd’hui un couteau il est d’usage d’offrir une pièce de monnaie avec et l’on dit alors «c’est pour ne pas couper le lien»

Ainsi de nos jours lorsque l’on est dans une logique de paiement «on coupe le lien» et c’est un acte irresponsable. Cette illusion n’est pas anodine, elle est dangereuse.

Les MLC sont à l’antipode de l’irresponsabilité du paiement. Nous pouvons ainsi nous émanciper en remettant en question nos propres représentations.

J.M. Servet cite Graber (anarchiste anthropologue), et nous parle d’un texte du FMI de 2012 à Chicago. Il nous rappelle que Chicago est la capitale de la spéculation sur les matières premières Nous avons nous , avec les MLC, la possibilité en nous opposant à la spéculation de lutter sur ce qu’il convient d’appeler l’empire de la liquidité…

J.M. Servet fait aussi allusion à un roi du Cameroun que l’on appelle le «roi tire-lire» .

J.M. Servet insiste sur la tactique qui consiste à créer des monnaies gagées. Il nous alerte sur la portée de nos stratégies. Il craint que dans la conjoncture actuelle, mettre l’accent sur la circulation et la liberté de création puisse être un argument détourné par les banques elles-mêmes. Le débat au sein des différentes manières de gagées les monnaies n’est pas clos et la créativité des idées se manifeste. De plus il convient aussi d’observer que les plus pauvres utilisent encore peu les MLC actuelles et que nous devons réfléchir aux réels objectifs de l’économie solidaire dans nos territoires.

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