Conférence de Philippe Derudder, le lundi 20 mai 2013.
Le défi des monnaies locales complémentaires est considérable.
Cependant on constate actuellement que l’on est dans un phénomène de mode avec un risque de feu de paille. En réalité il s’agit d’un engagement citoyen et d’un véritable défi
P. Derudder nous sort alors de sa poche un petit couteau suisse et nous explique quà une époque de sa vie il se sentait porteur de quelque chose de très important et que pourtant il était dans une grande frustration face à son incapacité de partager son ressenti. Il a alors fait le chemin de saint jacques de Compostelle au cours duquel il s’est dépouillé de ce qui l’encombrait.
Ce petit couteau était alors un outil adapté à son expérience mais n’était pas l’expérience.
Ainsi P. Derudder use t-il de cette analogie pour nous faire comprendre que les MLC ne sont qu’un des outils. Les outils part ne font que ce qu’on leur demande de faire. Aussi est -il indispensable de se questionner sur ce que nous voulons faire des monnaies locales.
Nous devons nous méfier de nos idéaux car si l’on voit l’idéal décrit dans la déclaration des droits de l’homme nous pouvons constater que nous sommes très loin d’avoir réalisé cet idéal, comme si presque le simple fait d’avoir un idéal tendait à nous faire agir dans le sens exactement inverse. Donc non seulement nous devons nous poser la question de savoir ce que nous voulons faire de nos monnaies locales mais nous devons aussi nous demander : « allons nous pouvoir le faire ? »
Nous les humains avons une extraordinaire propension à devenir esclave de nos outils. Ils deviennent sclérosants et nous enferment plus qu’ils ne nous servent. Nous devons être vigilants face à cette tendance.
La monnaie est un exemple type d’un outil qui par nature est lien et dont la pertinence est telle qu’elle devrait nous faciliter la vie. Hors c’est exactement le contraire qui se passe : elle nous divise et nous asservit.
C’est dans les années 1970 que nous avons raté le train après la déclaration de Nixon qui signe la fin de la convertibilité du dollar en or. La monnaie est depuis devenue une simple unité de compte qui ne vaut que par son acceptation. Perdant sa convertibilité le dollar aurait pu perdre sa suprématie mais cette mesure a été assortie de tout un tas de mesures pour garantir la suprématie du dollar, en particulier pour que tout le commerce international du pétrole se fasse en dollars. Alors que l’on sait que le système est déjà mort on continue d’accepter la fausse valeur du dollar. Cependant nous sommes passées d’un logique de monnaie matérielle à une logique de monnaie créée. Ce ne sont que des écritures comptables qui créent la monnaie. C’est donc la volonté humaine qui crée la monnaie.. Nous sommes passés d’une logique de redistribution à une logique de création.
Aujourd’hui les MLC nous proposent un autre train avec tous les défis.
Nous sommes passés d’une logique de la rareté à une logique d’abondance. Autrefois la demande était supérieure à l’offre puis l’offre étant devenue supérieure on a mis d’énormes budgets publicitaires pour susciter des besoins pour écouler une offre de plus en plus abondante
Par la loi du 3 janvier 1973 en France le pouvoir monétaire a été transféré aux banques privées. Avant cela l’état pouvait emprunter à la banque centrale sans échéance et sans intérêt mais depuis que le pouvoir de création monétaire a été transféré aux banques privées l’état emprunte avec intérêts et donc 2000 milliards de dette ont été créés pour la France ! Si il n’y avait pas d’intérêt sur les emprunts de l’état la dette de la France serait inférieure à -20% du PIB. Nous assistons donc à une véritable ponction de la richesse du peuple pour des intérêts privés.
Le problème est que la classe politique s’est enfermée dans un dogme. Et tout ce système ne tient que par la logique de la rareté
Ce n’est plus l’accès à la monnaie qui doit déterminer ce que l’on fait mais c’est ce que l’on fait qui doit déterminer le montant de la monnaie à créer.
Dans une logique de création de richesses la monnaie ne manque jamais.
Cependant on peut se poser la question : » si la monnaie était libérée est-ce que l’on ferait n’importe quoi? » a-t-on le niveau de conscience suffisante pour créer librement de la monnaie ?
La vraie question est » qu’allons nous faire ensemble ? »
la question courante « Quel budget avez vous? » participe de l’ancienne logique
La réflexion de fonds qui devrait être le contenu de toutes nos préoccupations, du débat public et des questions politiques et de toutes nos activités communes devrait être :
» comment voulons nous vivre ensemble dans le bien de tous et pour le bon avenir de tous ? »
Ceci devrait être l’objet d’un débat permanent dans nos vies quotidiennes et dans le débat public
Face à un projet le questionnement véritable est :
- le veut-on vraiment ?
- A t-on les ressources humaines, les connaissances, les technologies ?
- A t-on les ressources naturelles ? Là est la véritable question la plus délicate
si on peut répondre par l’affirmative à tout ce questionnement alors on crée la monnaie nécessaire pour rémunérer les acteurs engagés dans ce projet.
Ceci devrait être le fonctionnement normal.
Dans ce cas là la fiscalité sert à retirer le trop plein de monnaies pour réguler la circulation.
Il est donc primordiale de reconnaître comme richesse La VIE et de partir du principe du revenu d’existence inconditionnel.
Cela permet d’élargir le champ de reconnaissance de la richesse. On est alors dans une logique de création de richesse
la finalité des activités est ce qui est bénéfique. C’est le bénéfice sociétal qui est le moteur de l’activité.
Il serait tout à fait possible de créer une monnaie complémentaire nationale non adossée à l’euro. Cela serait possible immédiatement.. Il suffirait de sortir de la logique de redistribution ( basée sur un système de pénurie et sur l’idée ancienne de la monnaie basée sur l’or) pour enclencher une logique de création monétaire au service des valeurs éthiques et écologiques. La société de demain est la société d’une monnaie libérée
Le problème est que portés par des idéaux nos peurs inconscientes nous conduisent à nous opposer aux propositions des autres. Ainsi des groupes explosent.
Lorsque se présente une difficulté il est important de se demander « pourquoi est ce que je nourris ce blocage face à la proposition de l’autre? »
Pourquoi est-ce que en 1971, après l’annonce de Nixon personne n’a compris ?. Parce que nous sommes conditionnés par nos peurs et en particulier par notre peur de mourir et notre peur du manque.
P. Derudder nous explique qu’il a été lui-même confronté à ses propres peurs (dont il était inconscient, car nous sommes inconscients de nos peurs la plupart du temps) jusqu’à aller lui-même au bord du suicide.
Il faut comprendre que l’être humain est d’une façon globale dominé par ses peurs. A un point qu’il ne s’en rend la plupart du temps même pas compte de lui-même. Et que nul ne peut dire « moi je n’ai pas peur » car c’est un manque de conscience de soi. P. Derudder nous propose de prendre conscience des peurs qui surgissent en nous et d’adopter vis à vis d’elle un changement de regard intérieur. Ce subtil changement d’attitude intérieure est dit-il comme plus mince qu’une feuille de papier à cigarette. C’est de ce subtil changement de posture intérieure en chacun que dépend en fait l’avenir des monnaies locales complémentaires
Le succès des monnaies locales complémentaires résidera donc dans notre aptitude à développer la souplesse, la tolérance , la bienveillance dans notre façon de regarder l’autre.
Le défi des monnaies locales complémentaires c’est une Invitation à prendre le train de notre libération.
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