Compte-rendu de la 5° rencontre des porteurs de projets MLC
des 23-24 juin 2012 à Mûrs-Erigné près d’Angers (49),.

[Ce CR était d’abord destiné à rendre-compte des rencontres à notre association commune-Mesure].
C’est l’association « Agir pour la transition » qui porte le projet de la Muse, qui circule depuis 2 mois, qui nous accueillait dès le vendredi soir.

Une cinquantaine de personnes étaient présentes, venues des 4 coins de France bien que l’ouest soit plus représenté, compte tenu du lieu de réunion.

L’association Polen mène une réflexion sur la création d’une MLC à Ploërmel en Bretagne. Des réflexions démarrent à Dinan, Montpellier, Fontainebleau, dans la Creuse et à Paris (rue Olivier-Métra, dans le 20ème). En Pays de Retz une réflexion est en cours notamment avec une élue de la Ville qui s’interroge sur la place que les collectivités doivent prendre dans ce genre de projets citoyens. Des projets dont la monnaie circule déjà étaient également présents, la Bogue d’Aubenas/ Vals-les-Bains, les Abeilles de Villeneuve sur Lot, la Roue de Carpentras (avec pour objectif, tout le département du Vaucluse), le Sol-alpin de Grenoble, le Sol-Violette de Toulouse. Des projets plus avancés mais dont la monnaie ne circule pas encore avaient aussi fait le déplacement. L’Epi du Havre a rencontré des difficultés, ils n’ont convaincu que 5 prestataires et ont décidé de se tourner vers des collectivités territoriales. 2 projets sol sont en gestation, le Sol-Angélique à Niort et un Sol à Lyon. L’association « Par ici la monnaie » de Saint-Nazaire (44) et le « Confluent » de l’éco-réseau du pays nantais étaient également représentés. La ville de Nantes avait envoyé une des techniciennes du Crédit Municipal car une réflexion est en cours. Jean-Christophe Guyomart, qui prépare une thèse de géographie politique sur la question des MLC, présent aux rencontres de Romans était là ainsi que Célina Withaker du collectif FAIR (pour un autre calcul de la richesse) et membre du Sol national. Le collectif parisien pour une autre richesse, les Valeureux, était également présent.

La matinée du samedi a été consacrée à la présentation de ces différents projets, de leur avancement, de leurs difficultés, de leurs questions.

Le début d’après midi se partagea en 3 ateliers.

  • sur « les questions que se posent les nouveaux projets », animé par Françoise Lenoble.
  • sur « comment accélérer la circulation de la monnaie et résoudre les problèmes de comptabilité et de fonds de garantie », animé par Philippe Lenoble. Annie et Pierre eurent la bonne surprise de constater que ce qui apparaissait il y a un an comme une idée farfelue – l’utilisation du fonds de garantie comme fonds de réserve – était devenue maintenant une « bonne idée ».
  • et le troisième sur « l’entre-soi et jusqu’où peut-on aller pour ne pas perdre l’étique », animé par Michel. Ce fut l’occasion de revenir sur l’importance des valeurs de la Charte, en donnant priorité au « sens » sur le « gain économique » comme moteur de nos projets. Sur la question du risque de l’entre-soi : bien sûr il faut craindre un projet recroquevillé sur des militants, mais il convient aussi de « faire le plein du premier cercle ».

A partir de 16h00 se déroula une plénière sur « Que peut-on entendre par « dimension » sociale d’une MLC ? Une MLC est-elle réservée à ceux qui ont déjà des euros ? ».

Annie fit une rapide contribution sur la question afin de lancer le débat. Elle commença par l’évocation rapide et concrète des tentatives de la Mesure pour établir des partenariats avec les acteurs traditionnels de l’ESS locale et la difficulté à les mettre en place du fait que chaque structure est prise par son objet premier. La circulation de la monnaie comme outil favorisant la mise en réseau fut évoquée mais pas juste pour augmenter le pouvoir d’achat des pauvres. Peut-on limiter la dimension sociale d’une monnaie à un supplément d’argent donné aux « pauvres » ? Quelle conception a-t-on de la monnaie si on ne la considère que comme un objet économique servant à échanger comme nous l’avons entendu ce matin ?

Peut-on faire une MLC sans savoir ce qu’est la monnaie ? Chez les économistes classiques, orthodoxes et même hétérodoxes on découvre une conception économiste, fonctionnelle et évolutionniste de la monnaie développée à partir de ce que Karl Polanyi appelle la « fable du troc » (la monnaie aurait été inventée pour faciliter les échanges entre individus définis d’abord par leur activité productrice et leur intérêt marchand à échanger, pour que chacun soit « gagnant-gagnant »). Ce mythe prend naissance au XVIII° siècle. Or si l’on abandonne cette vision d’un troc donnant naissance aux pièces de monnaie plus simples à utiliser entre 2 échangistes anonymes, on découvre dans l’anthropologie et l’ethnologie les « paléomonnaies » qui existent dans presque toutes les sociétés comme « agent de la vie sociale ». Ce sont des moyens d’accès à des rôles et des positions sociales. En circulant, elles règlent des naissances, des mariages, des deuils, des injures. Elles permettent aux individus et aux groupes de « régler leurs comptes ». La monnaie comme « lien social » : on n’éteint pas les dettes, on en créé d’autres qui les atténuent pour rendre possible la vie sociale.

Tout cela pour distinguer entre « monnaie sociale » et « argent » : comment pourrait-on passer de l’obligation à trouver de l’argent à une obligation vis à vis des personnes ? Le débat fut vif mais intéressant. Entre ceux qui voient, dans la « dimension sociale » d’une MLC, les actions qui ciblent plus particulièrement ceux qui n’ont pas d’euros, les « pauvres ». Et ceux qui, refusent de focaliser un public bien défini : il y a une différence entre une « MLC qui cible les pauvres » et une « MLC qui fait attention à n’exclure personne, les pauvres en particulier ». Dans le premier cas, le « plus social » consiste à augmenter d’une façon ou d’une autre le pouvoir d’achat d’une catégorie définie, réduisant ainsi l’échange monétaire à n’être qu’un échange marchand ; dans le deuxième cas, une MLC est une monnaie sociale en faisant de l’échange monétaire un moment de vie sociale, dans laquelle l’économie prend sa place.

 

Le soir à partir de 21 heures nous nous sommes régalés des créations théâtrales de la Compagnie la Tribouille « les petits contes de la richesse » en assistant notamment à un match d’évitement des idées fondamentales en alternance avec un débat en présence de Jean-Paul Pla élu de Toulouse qui porte le projet Sol-Violette, de Françoise Lenoble des Abeilles, de Giovanni Turco de la Muse, et de Pierre. Le maire de Mûrs-Erigné était présent. Ce fut encore une bonne occasion mise à profit par Pierre pour rappeler la dimension « expérimentale », « en construction » de notre projet de la Mesure.

 

Le dimanche matin fut consacré à la poursuite de la création du réseau (qui en fait partie ?), au retour sur la charte de celui-ci, et à l’examen de la demande formulée par Carlos de Freitas du réseau « monnaie en mouvement » d’un réseau de toutes les monnaies locales complémentaires, d’ici et d’ailleurs.

 

La charte telle qu’elle fut formalisée après discussion lors des 4° rencontres à Villeneuve-sur-Lot :

  1. Réappropriation de l’usage de la monnaie par le citoyen comme outil mais aussi pour le sens de son usage et de sa nature.
  2. La monnaie comme symbole, porteuse de solidarité, d’entraide et de coopération.
  3. La monnaie porteuse de valeurs éthiques, écologiques et sociales.
  4. La monnaie comme moyen d’échange permettant de créer des mécanismes de solidarité.

 

Cette charte n’est pas celle des projets locaux de MLC, mais seulement du réseau, celle des porteurs de projets. Au delà des discussions sur les thèmes manquants, elle ne sera jamais parfaite, il y eut discussion sur le terme de charte, trop légaliste pour certains et faisant doublon avec la charte qui existe déjà au niveau local. Il fut proposé d’appeler ce texte plutôt cahier des charges ou document de référence ou manifeste. Certains ne voyaient pas l’utilité d’un tel texte et cependant il existe des projets différents des nôtres, comme des monnaies commerciales, pourquoi ne pas imaginer des monnaies portant des valeurs d’extrême droite, et de toute évidence le projet de la Ville de Nantes

n’est pas du tout un projet citoyen. Certes, il faut un « réseau des réseaux », nous sommes d’accord pour en faire partie, mais ce n’est pas nous, il faut donc définir ce que nous sommes.

La discussion a permis de clairement distinguer 3 niveaux :

  1. celui, local, de chaque projet de MLC.
  2. Celui, national (ou même international) des monnaies complémentaires (de tous les types) : le « réseau des réseaux » ;
  3. et celui intermédiaire des « familles » de monnaies complémentaires. La famille du WIR ou du RES ou des monnaies strictement institutionnelles ou commerciales n’est pas la famille de l’Abeille, de la Bogue ou de la Mesure. Pendant ce week-end, nous avons la bonne surprise de constater que le SOL-Violette, si chaleureusement défendu par Jean-Paul Pla, avait bien un « air de famille » avec nos types de projets ; et que les différences par exemple entre Mesure et Sol-Violette participent de la diversité et de la richesse de nos « types » de monnaies.

Chaque projet la rediscutera au local, un groupe de volontaire tentera dans les mois à venir d’élaborer un tel manifeste autour d’une dizaine de critères qui permettra de définir sans ambiguïté qui est à l’intérieur de « notre » réseau et qui appartient à un réseau cousin ; et nous en rediscuterons à l’automne lors des 6° rencontres afin qu’elle soit finalisée pour les Assises des MLC qui se dérouleront à Villeneuve-sur-Lot le 18-19-20 mai 2013 (week-end de Pentecôte). Lors de ces assises pourront être abordées 5 questions :

  • Quelles (limites) à l’utilisation du fonds de garantie ?
  • Quel maintien à terme des valeurs initiales des projets de MLC ?
  • Quelles activités relocalisables ?
  • Quelle démocratie citoyenne/locale/qualitative pour les projets de MLC ?
  • Limites économiques et dépassement de l’économie dans les projets de MLC ?

Deux « têtes d’affiches » sont pressenties, Patrick Viveret et Bernard Lietaer.

 

Les prochaines rencontres sont prévues les 19-20 octobre ou en novembre 2012. Le collectif des Valeureux de Paris c’est proposé pour « porter les porteurs de projets ». De notre point de vue, ce n’est pas vraiment une bonne idée car ils ne sont que 3 et cela nous semble inopportun car il n’y a pas de projet de MLC. Noura s’est aussi proposée pour le Canut à Lyon, une monnaie citoyenne différente du projet Sol.

A suivre…

Annie, Michel et Pierre qui tiennent à remercier toute l’équipe des organisateurs de ces rencontres, et particulièrement Giovanni.

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