Quelques remarques et notions d’un informaticien à propos de numérique en matière de monnaies locales complémentaires…

On voit partout des projets et parfois des réalisations de moyens de paiement ‘numériques’, souvent discutés en termes de perte de lien, de valeur éducative, ils sont critiqués pour leur futilité. Quand il s’agit de moyens de paiement entre accepteurs (commerçants, …), l’échange dématérialisé est au contraire un facteur de fidélisation, un accélérateur de circulation de la monnaie.

Plaçons nous du point de vue de celui qui doit acquérir, installer et maintenir la solution. Il faut y penser sérieusement car l’investissement (temps, argent) sera grand comme la dépendance à l’outil qui en découlera.

Ce n’est pas souhaitable mais on peut se tromper pour une plaquette de présentation, pour un site web ‘vitrine’ mais il sera toujours possible d’en faire d’autres et ils n’auront pas coûté des dizaines de milliers d’euros. Il en va autrement de l’outil informatique ‘métier’.

L’outil de ‘paiement numérique’ doit être fiable (ne doit pas se planter), sécurisé (ne doit pas permettre les fraudes), durable (la compétence pour le maintenir et l’adapter doit exister dans les 5 ou 10 années suivantes).

Villani

Cela exclut les solutions développées par des individus isolés, voire par une start-up, (même très talentueux un développeur peut se tromper, ne plus être disponible voire cesser son activité). On évitera d’utiliser un composant propriétaire, particulièrement s’il devient indispensable au bon fonctionnement car on ne sait rien de son avenir et de son évolution commerciale qui peut finalement ruiner le projet qui l’utiliserait.

Une double erreur serait d’utiliser les ‘services du cloud’, payants ou gratuits. Contraires à nos valeurs (ni locaux, ni écologiques, ni citoyens, ni éthiques) ces services sont fournis par des sociétés privées, tôt ou tard à but lucratif, ou par des filiales de sociétés à but lucratif. Leur sécurité peut sembler forte mais aussi s’écrouler du jour au lendemain devant l’acharnement de hackers attirés  par le gros gâteau qu’elles représentent, (cf FB, Sony, Yahoo). Les données personnelles se retrouvant entre leurs mains, entre celles de leurs partenaires et intermédiaires, on ne sait ce qu’elles deviendront (les politiques de confidentialité faiblissent à mesure que la notoriété augmente).

Comme l’outil ‘paiement numérique en MLCC’ n’existe pas prêt à l’emploi, on devra donc réaliser/faire réaliser des développements et cela sera d’autant plus facile que la base sera connue et que l’investissement sera partagé entre plusieurs projets.

Une bonne pratique est de s’appuyer largement sur une solution open-source bien connue, les défauts sont trouvés plus sûrement et plus rapidement par la communauté et les corrections sont apportées rapidement et en transparence car utiles à tous.

logiciel libreLes développements doivent être documentés et publiés selon les mêmes modalités que le logiciel de base. Une structure de greffons (plugins) existe bien souvent et doit être privilégiée.

Utiliser les mêmes outils dans de nombreux projets de MLCC permet des renforts/entraides/transferts d’information entres les utilisateurs comme entre les informaticiens/gestionnaires. Cela permet aussi de multiplier la confiance dans le système, aux yeux des accepteurs comme pour les autorités de contrôle.

Pour ce qui est du matériel, il vaut mieux s’en tenir aux outils déjà dans nos poches : téléphones, smartphones et ordinateurs car l’investissement dans des terminaux de paiement dédiés fait passer le projet au niveau quasi industriel.

Pour ce qui est de l’architecture (centralisée ou distribuée) je n’ai pas de réponse miracle non plus. Il y a des risques dans tout, le contrôleur de l’architecture centralisée est un point de faiblesse mais il peut avoir apporté la preuve de sa robustesse. Le système distribué (souvent basé sur la blockchain) n’apporte pas de garantie complète puisqu’à son entrée et à sa sortie se trouvent de toute manière des serveurs plus ou moins vulnérables.

Une grande prudence me semble aussi requise par l’ampleur que peuvent prendre les erreurs/fraudes dans les systèmes informatiques en regard de celles des coupons papier : les transactions de 7,30 ou de 73,00 voire 730 ou 7300 se ressemblent mais pas les coupons correspondants. Une fraude passera plus facilement inaperçue en numérique, essayez d’écouler plus de dix faux coupons de MLC : vous vous ferez remarquer et  rapidement démasquer…

Marc ABEL, informaticien et bénévole pour la Pêche

6 commentaires

  1. Je suis étonnée de ne voir quasiment jamais abordé le coût écologique, social et humain du numérique. On dirait que toutes les belles chartes des MLC, « proximité, choix du local, conscience écologique et bla bla bla » sont finalement un peu hypocrites Que l’extraction des terres dites rares coûte la vie à des enfants (entre autres) s à l’autre bout de la planète… que les datas centers (y compris de proximité) participent largement au réchauffement climatique…! Que l’on accroisse en choisissant le paiement numérique le risque de voir disparaître la monnaie au profit d’un paiement numérisé, facilitant le fichage et allant dans le sens du tout contrôle. Alors même qu’on sait que le numérique n’empêche absolument ni la fraude ni le vol.

    Cela me rappelle ce qui se passait avec le nucléaire. Mais enfin, on ne va quand même pas revenir en arrière, alors qu’on a cette belle énergie à portée de main… dangereuse, meu non ! On saura bien dans quelques années résoudre les problèmes.

  2. Je suis désolé pour les fôtes d’orthographe, le commentaire est fait à la volée

  3. La seule grande et belle innovation dans l’utilisation de moyens numériques comme support d’utilisation des monnaies locales serait d’adosser ces mêmes monnaies locales à une crypto-monnaie et non plus à une monnaie fiat. Le fait que les monnaies fiat sont très mal en point du fait de leur adossement à une montagne de dettes plaide dans ce sens. Cependant, les banques centrales avec leurs monopoles indiscutables ne se laisserons pas faire si facilement. Si d’un point de vue réglementaire le projet peut paraître ambitieux, des institutions en France comme la caisse des dépôts peut être fortement réceptive au projet (je pense à des personnes comme Philippe Dewost). Aujourd’hui, en matière de sécurité et parmi l’ensemble des crypto-monnaies, le Bitcoin présente la meilleure garantie. De plus son mode fini garantie également la valeur de l’adossement (quantité finie de monnaies émises). Par contre, en matière de confiance (et dans le cadre d’une monnaie d’adossement c’est un point essentiel), nous sommes à l’aube d’une quelconque reconnaissance dans les « pays », le territorial, le régional, appelons le comme il plaira.
    Cela pourrait être être une autre monnaie numérique…à approfondir.
    Actuellement, le problème pratique N°1 est avant tout la volatilité de ces cryptomonnaies. L’autre problème est d’ordre philosophique (à savoir l’anonymat des transactions) et il mérite d’être débattu, sans parti pris. Il est de taille !
    En effet avec les cryptomonnaies, le traçage devient une des clés de voûte du système de paiement.
    A contrario, un avantage indiscutable serait la traçabilité des coupons absolument garantie par des clés publics. Ces même clés publiques peuvent être déposés également sur les supports imprimables (type QR code).
    L’argument développé dans le billet contre la fiabilité d’un système distribué en entrée et sortie méritait d’être soulevé. Toutefois au regard des plateforme d’échanges existant actuellement pour les cryptomonnaies, il s’agit d’organismes déjà dûment réglementés (en France l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution -ACPR ) et qui dans l’avenir seront contrôlés de plus en plus par les pouvoirs publics. En France, nous avons par exemple Paymium. Bien entendu le piratage de telle plateforme a déjà existé. Toutefois l’évolution permanente des moyens de sécurité rend les piratages possibles de plus en plus difficile. Le monde des crypromonnaies, adossé de fait à de la cryptographie est en perpétuelle évolution dans ce domaine. De plus un des avantage évident question sécurité est qu’à n’importe quel maillon de la chaîne des transactions le stockage à froid est possible et donc garantie totalement les dépôts. J’en prends pour exemple Ledger qui créant un nouveau support de stockage sur clé USB (cold storage) propose récompense a qui arrivera à craquer la dite clé.
    il convient de dire que la réglementation et les prospectives accompagnant le développement des crypto-monnaies ne s’arrêtera pas demain matin.
    Je pense qu’il y a un intérêt évident de coupler monnaies locales et crypto-monnaies. Pour les unes comme pour les autres. Il se nomme « la confiance ». De l’usage naît la confiance, ce qui implique au départ des ballons d’essais, des laboratoires d’expérimentation. Avec les monnaies locales, l’avantage réside dans le nombre et la dispersion des lieux d’expérimentation.
    La reconnaissance vient en suivant…ou pas. Nous en sommes assez loin, semble t-il.

    1. à ce compte là autant passer directement à la monnaie libre… sinon, le mieux, plutôt que bitcoin, c’est de se rapprocher de https://fair.coop/ pour voir comment coopérer et nourrir un écosystème économique alternatif soutenu par le faircoin…

  4. Merci Marc pour cette synthèse pleine de bon sens et utile à garder en tête lors du choix de l’outil numérique. Nous sommes en plein dedans en ce moment à La Gonette.

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